Rentrer chez moi-même : Une histoire d’amour de soi sans clichés
- Feroz Anka
- il y a 3 jours
- 6 min de lecture
Depuis quelque temps, nous entendons partout la même phrase : « Aime-toi. »
Sur les réseaux sociaux, sur les couvertures de livres, dans les vidéos courtes, sur des graphiques colorés…
Comme s’il existait une formule magique :
« Aime-toi et tout s’arrangera. »
Pourtant, certains jours, cette phrase frappe le visage comme une gifle.
Parce qu’au fond de toi, tu te dis :
« Comment pourrais-je m’aimer dans l’état où je suis ? »
Quand tu es fatigué·e, éparpillé·e, que tu as fait des erreurs, que tu es rempli·e de regrets, alors que ce que tu as blessé – et ceux qui t’ont blessé·e – sont encore tout frais…
Entendre le slogan est facile, le transformer en réalité est difficile.
Pour moi, l’histoire d’apprendre à m’aimer ne s’est pas frayée un chemin à travers de jolies phrases, mais à travers de lourdes confrontations.
Il y a un fossé entre le slogan « Aime-toi » et la réalité...
Pendant longtemps, j’ai cru que m’aimer signifiait être satisfait·e de moi.
Quand je réussissais, qu’on me félicitait, que j’avais l’air fort·e, que j’« accomplissais » quelque chose, je pensais avoir gagné le droit de m’aimer.
Les jours où je passais une mauvaise journée, où je faisais des erreurs, où je me sentais en désordre, où je m’effondrais émotionnellement, une autre phrase montait en moi :
« Dans cet état-là, tu n’es pas aimable. »
Personne ne me l’a jamais dit avec une telle dureté.
C’est moi qui me le disais.
C’est pourquoi l’idée de l’amour de soi n’a jamais sonné tout à fait authentique à mes oreilles.
Parce que je m’imaginais toujours dans ma version la plus bien rangée.
Et m’aimer dans cet état-là ne me semblait pas si difficile.
Ce qui était difficile, c’était ceci : Supporter de me voir dans ma version la plus désordonnée.
As-tu des phrases que tu utilises pour ne pas t’aimer ?
Les phrases que l’on se dit sont comme de petites roues dentées qui rongent peu à peu notre estime de nous-mêmes.
Je m’en suis rendu compte bien plus tard.
« C’était bien le minimum qu’on pouvait attendre de toi. »
« Qui voudrait s’embêter avec toi, de toute façon ? »
« Dans cet état, tu ne mérites personne. »
« De toute façon, tu es toujours insuffisant·e. »
Si j’avais dit ne serait-ce qu’une de ces phrases à quelqu’un d’autre, j’en aurais été mal à l’aise pendant des jours.
Mais en me les répétant sans cesse, elles ont commencé à paraître normales.
Ne pas s’aimer n’est pas toujours une haine bruyante ; c’est parfois une résignation sournoise.
« Je suis comme ça », et faire de la douleur qu’on s’inflige à soi-même une partie de sa vie.
À un moment, j’ai remarqué ceci : J’avais accumulé tellement de raisons de ne pas m’aimer que je ne cherchais même plus le moindre prétexte pour pouvoir m’aimer.
S’aimer, ce n’est pas admirer sa version parfaite...
Un jour, une phrase m’a traversé l’esprit :
« Je ne peux pas m’aimer, parce que je suis si imparfait·e. »
Puis je me suis arrêté·e.
« Si tu étais parfait·e, qui aimerais-tu ? » me suis-je demandé.
S’aimer, ce n’est pas admirer sa version parfaite.
S’aimer, c’est apprendre à ne pas rejeter sa version imparfaite.
S’aimer, ce n’est pas ne jamais se tromper ; c’est ne pas s’exécuter quand on se trompe.
S’aimer, ce n’est pas ne jamais être blessé·e ; c’est ne pas se piétiner quand on l’est.
S’aimer, ce n’est pas être toujours fort·e ; c’est considérer même son état le plus fragile comme humain.
Je l’ai compris très tard.
Quand une personne s’aime, elle n’efface pas ses défauts ; elle apprend à les serrer, eux aussi, contre son cœur.
Les chemins vers moi-même : Non pas de l’extérieur vers l’intérieur, mais de l’intérieur vers l’intérieur.
En écrivant Les chemins vers moi-même, j’ai réalisé que j’avais toujours cherché la route de l’extérieur vers l’intérieur.
Je croyais pouvoir atteindre mon propre centre à travers l’approbation, l’amour ou l’admiration de quelqu’un.
« S’ils m’aiment, alors je pourrai m’aimer. »
« S’ils me choisissent, alors je me verrai comme digne. »
« S’ils me reconnaissent, alors je me donnerai raison. »
C’est un chemin épuisant.
Parce qu’il dépend constamment de l’extérieur.
Et l’extérieur est changeant.
Mais peu à peu, tout au long du livre, j’ai vu ceci :
Mon chemin n’est pas de l’extérieur vers l’intérieur, mais de l’intérieur vers l’intérieur.
Les chemins vers moi-même passe surtout par les fissures où j’ai cessé de fuir devant moi.
M’aimer, ce n’est pas briller grâce à une lumière venue de l’extérieur ; c’est ouvrir une à une les portes des pièces que je garde fermées en moi depuis des années.
Une sensation de retour à la maison...
J’avais toujours imaginé le retour à moi comme la découverte d’un « nouveau moi ».
Mais la vraie sensation, ce n’est pas de rencontrer quelqu’un de nouveau ; c’est comme revenir dans une maison que tu as négligée depuis longtemps.
Tu ouvres la porte.
L’intérieur est un peu en désordre.
Certaines pièces sont poussiéreuses.
Dans certains tiroirs, il y a des objets oubliés.
Certaines pièces sont fermées à clé depuis des années, tu as peur de les ouvrir.
Mais malgré tout ce désordre, c’est ta maison.
S’aimer, c’est exactement cela :
Pouvoir dire de chaque pièce, chaque recoin, chaque désordre de ta maison : « C’est une partie de moi. »
Dans une vie où tu as longtemps circulé comme si tu étais toujours invité·e, t’asseoir pour la première fois sur ton propre canapé, boire de l’eau dans ton propre verre, regarder tes propres murs…
Pouvoir inviter même ton état incomplet, brisé, fatigué au salon.
La valeur de soi n’est pas un résultat, mais un point de départ...
Pendant longtemps, je me suis pesé·e ainsi :
« Qu’est-ce que j’ai fait, qu’ai-je accompli, qu’ai-je offert ? »
Quand ce que je faisais augmentait, je me sentais valable ; quand ce que je n’arrivais pas à faire se multipliait, je me sentais sans valeur.
Comme si la valeur de soi était une note de bulletin qu’on recevrait à la fin de la vie.
Mais peu à peu, j’ai compris ceci : La valeur d’un être humain n’est pas un résultat, c’est un point de départ.
Un être humain commence sa vie parce qu’il est précieux ; pas pour gagner de la valeur.
Ce que nous appelons chemin de guérison est ce long, fatigant mais véritable processus qui consiste à renoncer à nous prouver et à accepter de vivre comme un être déjà digne de valeur.
S’aimer, ce n’est pas dire : « Maintenant, je suis parfait·e » ; c’est faire un pas timide vers cette phrase : « Je suis un être aimable même avec mes défauts. »
Avant de pouvoir m’aimer, je devais apprendre la compassion...
La phrase « aime-toi » me paraît encore parfois trop grande.
Il y a des jours où même le mot « amour » est lourd à porter.
Mais j’ai remarqué ceci : S’aimer n’est pas toujours la première étape.
D’abord, tu apprends à avoir de la compassion pour toi-même.
Avoir de la compassion pour soi, c’est pouvoir dire : « C’est normal que tu ressentes cela. »
C’est pouvoir dire : « Ici, tu t’es trompé·e, mais cela ne t’enlève pas ton humanité. »
C’est pouvoir dire : « Le fait que tu sois fatigué·e, affaibli·e, éparpillé·e ne te rend pas sans valeur. »
Là où tu peux avoir de la compassion pour toi, un jour, la possibilité de t’aimer commence aussi à germer.
En lisant ces lignes, tu remarques peut-être ceci :
Ta relation avec toi-même est beaucoup plus dure que tes relations avec les autres.
Tu es plus ouvert·e à comprendre, pardonner, écouter les autres ; mais lorsqu’il s’agit de toi, tu n’accordes pas la même ampleur.
C’est peut-être pour cela que je veux te laisser une petite question, lourde pourtant :
À quand remonte la dernière fois où tu as pu te dire : « Heureusement que tu existes » ?
Pas seulement pour une réussite ; pas seulement parce que tu es resté·e fort·e ; pas seulement parce que tu simplifies la vie de tout le monde…
Mais simplement avec ce que tu es, avec ta fatigue, ta blessure, les parties de toi qui perdent parfois le contrôle :
« Heureusement que tu existes. »
Peut-être ne pourras-tu pas le dire à haute voix.
Peut-être même qu’en le disant en toi, tu auras du mal.
Mais sans changer la langue que tu utilises envers toi-même, l’idée de t’aimer restera toujours lointaine.
Peut-être que l’histoire de l’amour de soi commence exactement ici :
Là où tu fais un pas, non pas pour te corriger, mais pour te rapprocher de toi.
Les chemins vers moi-même n’ont pas été pour moi une tentative d’inventer un nouveau moi, mais l’effort, couche après couche, de revenir dans ma propre maison, en moi-même, dans ma propre vérité.
Au-delà des clichés, je voulais arriver à un endroit où je puisse simplement dire :
« Je ne sais toujours pas vraiment comment m’aimer.
Mais je suis prêt·e à cesser de me haïr.
Et je crois que le retour à la maison commence exactement ici. »






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