Le jour où je ne me suis plus reconnu·e : Le premier pas sur le chemin pour se retrouver
- Feroz Anka
- il y a 4 jours
- 7 min de lecture
Un jour tu te réveilles et ta vie est exactement la même ; mais toi, tu ne l’es plus.
Tu bois le même café, tu marches dans les mêmes rues, tu parles aux mêmes personnes.
Mais quand tu te tournes vers l’intérieur, tu ne trouves plus personne que tu reconnaisses.
C’est précisément ce jour-là que commence le chemin pour se retrouver.
Ce jour que personne ne remarque, que tu ne racontes à personne et qui pourtant te secoue jusqu’au fond.
L’étranger dans le miroir demande : « Depuis quand suis-je devenu quelqu’un comme ça ? »
Je me souviens encore très nettement de ce jour-là.
Sur le calendrier, c’était sans doute un jour ordinaire ; mais en moi, c’était un tournant.
Je me suis placé·e devant le miroir.
La personne que je voyais, c’était moi – et ce n’était pas moi.
Il y avait de la fatigue dans mon regard, oui.
Mais il ne s’agissait pas seulement de manque de sommeil.
Il manquait autre chose derrière mes yeux : moi-même.
L’étrangeté envers soi commence dans ce silence-là.
Sans rien dire à personne, sans changer aucune scène extérieure, en prenant simplement conscience, au fond, que tu « joues un rôle »…
De l’extérieur, tout semble aller bien : ton travail, tes responsabilités, tes relations, les sourires publiés sur les réseaux sociaux…
Mais le soir, quand tu n’as plus à divertir personne et que tu retires le sourire figé de ton visage, tu restes avec une question très simple mais dévastatrice :
« Depuis quand suis-je devenu quelqu’un comme ça ? »
Cette question est la mise en mots du sentiment intérieur d’être perdu·e.
Ce que tu vis, ce n’est pas la perte totale de ton identité, c’est la chute loin de toi-même.
Et sans t’en rendre compte, tu es arrivé·e au seuil de la question : « Qui suis-je ? »
Se sentir perdu·e n’est pas une panne, c’est une invitation...
Pendant longtemps, j’ai pris le sentiment d’être perdu·e pour un problème.
Comme si tout le monde connaissait sa place, sa direction, qui il est – et que seule moi avais perdu ma route.
Puis j’ai compris :
Le fait qu’une personne se sente « perdue » est souvent le signe qu’elle ne peut plus se mentir.
Tu dis : « Ça va », mais ça ne va pas.
Tu dis : « C’est normal que je sois comme ça », mais au fond tu sais que ce n’est pas une vie qui t’appartient.
Tu dis : « Tout le monde vit comme ça », et tu continues, mais une partie de toi chuchote : « Je ne suis pas tout le monde. »
Ce chuchotement est le début le plus nu du chemin pour se retrouver.
Le chemin pour se retrouver commence au moment où tu acceptes de t’être perdu·e.
Tu le prends pour une anomalie ; en réalité, c’est un appel que t’envoie ton âme.
Se sentir perdu·e est le premier signe que t’adresse ton monde intérieur :
« Tu n’es pas ici. Tu es ici, et tu n’y es pas. Allez, retournons vers toi. »
L’étrangeté envers soi ne vient pas avec de grandes explosions ; elle vient par petites fuites.
D’abord tu ne la remarques pas, puis tu la ignores, et finalement tu arrives au point où tu ne peux plus faire semblant.
Peut-être que, dans un endroit très rempli, en plein milieu d’une conversation, le sentiment « Je n’appartiens pas à cet endroit » te serre soudain la gorge.
Peut-être que tu ne prends plus aucun plaisir aux choses qui t’en donnaient autrefois, mais que tu te fais taire en te disant : « Je ne devrais pas faire ma difficile pour ça. »
Peut-être que tu montres à ta famille, ton partenaire, tes ami·es, tes collègues, la version de toi qui « gère », qui « s’arrange », qui « ne crée pas de problèmes », tout en cachant la partie brisée à l’intérieur.
Peut-être que tu as tellement baissé le volume de ta propre voix que tu n’arrives même plus vraiment à nommer ce que tu aimes, ce qui te met en colère, ce qui te blesse.
De l’extérieur, tu as une vie qui « fonctionne » ; mais il n’y a personne qui y vive.
C’est continuer de force une vie que tu ne partages plus avec ton âme.
Le jour où tu dis : « Je ne me reconnais plus », n’est rien d’autre que la somme de tous ces petits signes.
Le véritable point de départ de « Les chemins vers moi-même »
Quand je me suis assis·e pour écrire Les chemins vers moi-même, je n’avais ni grand plan, ni intrigue parfaite.
Tout ce que j’avais, c’était cette phrase :
« Je ne me supporte plus, parce que je ne me connais pas. »
Ce livre n’est pas né d’une période où j’étais fort·e, mais d’une période où je commençais à me désagréger.
En écrivant, je me suis assis·e à la table non pas comme « auteur », mais comme « témoin » ; j’ai posé devant moi, une par une, toutes les scènes où je m’étais éloigné·e de moi-même, où je m’étais renié·e, où j’avais eu honte de moi, où je m’étais oublié·e.
De l’extérieur, le chemin pour se retrouver peut paraître romantique.
De l’intérieur, il ressemble bien davantage à cette phrase :
« Je ne peux plus continuer à vivre comme ça. »
Les chemins vers moi-même est en réalité un récit tissé autour de cette phrase.
Ce n’est pas un « livre-professeur » qui dit ce qu’il faut faire ; c’est un livre-témoignage qui montre comment un être humain s’effondre de l’intérieur quand il ne fait pas ces choses-là.
Le chemin vers soi n’est pas fait de grandes illuminations, mais de petits retournements...
Nous pensons parfois que le chemin pour se retrouver commence par un seul grand moment d’illumination.
Un matin tu te réveilles ; tu comprends tout, ta vie change, tu changes…
En réalité, cette route commence par de petits moments apparemment ordinaires.
Quand tu choisis de te taire au milieu d’une conversation,
quand tu veux décider non pas pour que « tout le monde approuve », mais pour que « ça sonne juste en toi », quand tu remarques que tu vis pour obtenir de l’approbation et que, pour la première fois, tu te demandes : « Est-ce que je le veux vraiment ? », quand tu rentres du travail et que tu te dis : « Cet endroit n’est pas le mien », et que ce frémissement intérieur commence…
Tout cela sont de petits mais profonds pas que tu fais pour retourner vers toi.
Le chemin pour se retrouver est le plus souvent la somme de transformations intérieures que personne n’applaudit et que personne ne voit.
Si un jour tu regardes dans le miroir et tu dis : « Je ne me reconnais plus », sache que :
Ton âme est partie depuis longtemps ; tu l’as simplement remarqué tard.
La question « Qui suis-je ? » n’est pas une menace, c’est simplement une porte...
La question « Qui suis-je ? » semble effrayante à beaucoup de gens.
Comme si la poser revenait à jeter à la poubelle tout ce que tu as vécu jusqu’ici…
Pourtant, cette question n’est pas une menace ; c’est une porte.
Dire « Qui suis-je ? », c’est dire : « Vais-je seulement me couler dans les rôles que l’on m’a attribués, ou vais-je aussi entendre ma propre voix ? »
C’est dire : « Ne suis-je que la personne que les autres attendent de moi, ou y a-t-il encore quelqu’un en moi qui n’a jamais pu parler ? »
C’est dire : « Ma vie m’appartient-elle vraiment ? »
Le jour où tu oses poser cette question, tu as franchi le seuil le plus critique de l’étrangeté envers toi-même.
Se sentir perdu·e ne signifie pas que tu n’as pas de réponse ; cela signifie que tu as enfin commencé à poser la question au bon endroit.
« Est-ce que moi aussi je me sens comme ça ? »
Peut-être qu’en lisant ces lignes, toi aussi, sans t’en rendre compte, tu te tournes vers toi-même :
Peut-être que tu vis depuis longtemps des matins où tu ne te reconnais plus.
Tu vis dans la même ville, la même maison, avec les mêmes personnes, mais quelque chose en toi ne se sent plus comme avant.
Tu te dis : « Tout devrait aller bien », mais une partie de toi chuchote : « Non, ça ne va pas. »
Alors je veux te laisser seulement cette question :
Quand t’es-tu vraiment vu·e pour la dernière fois ?
Quand as-tu regardé le miroir pour la dernière fois en disant : « C’est moi » ?
Ou bien erres-tu depuis longtemps comme un·e invité·e dans ta propre vie ?
La phrase « Je ne me reconnais plus » ressemble à un effondrement quand on l’entend pour la première fois.
Comme si tout était fini, que tu étais perdu·e et qu’il n’y avait plus de chemin de retour…
Aujourd’hui, en regardant en arrière, je vois ceci :
Cette phrase était en réalité la plus grande porte qui s’est ouverte en moi.
C’était le premier choc dont j’avais besoin pour sortir des moules étroits de mon ancien moi, pour arrêter de me mentir, pour redécouvrir qui je suis, plus en profondeur.
Les chemins vers moi-même est né exactement de ce choc-là.
C’est pourquoi ce texte n’est ni seulement un aveu ni seulement une définition ; c’est une invitation.
Si toi aussi, ces temps-ci, tu te sens étranger·ère à toi-même, perdu·e, si tu sens une distance entre toi et le visage dans le miroir, sache que :
Ce n’est pas la fin.
C’est peut-être le premier pas sur le chemin pour te retrouver.
Et aucun chemin ne peut trouver un début plus honnête que la phrase : « Je ne peux plus continuer comme ça. »






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