Après Les Lignes du Vide : Se réconcilier avec l’écriture, la foi et le doute
- Feroz Anka
- hace 4 días
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Le jour où j’ai terminé Les Lignes du Vide, j’ai ressenti ceci :
Je n’avais pas achevé un livre.
Je n’avais fait que franchir le seuil du premier texte que je pouvais écrire sans me mentir à moi-même.
Puis j’ai compris que ce livre n’était pas vraiment un « premier livre » ; il était la répétition silencieuse de tous les textes qui viendraient après moi.
Mon chemin d’écriture, ma relation à la foi, ma manière de regarder le doute…
Tout cela a commencé à se remodeler discrètement entre les lignes de ce livre.
Que ce texte reste comme un petit pont, qui raconte ce qui s’est passé en moi après Les Lignes du Vide, et la transformation dans le triangle écriture–foi–doute.
Les Lignes du Vide : une tentative de témoigner de moi-même avant d’être écrivain.
Pour beaucoup, le parcours d’écriture commence avec un livre :
Couverture, nombre de pages, maison d’édition, tirage, avis de lecteurs…
Pour moi, ce n’était pas le cas.
En écrivant Les Lignes du Vide, il y a eu très peu de moments où je me suis senti réellement « écrivain ».
Je me sentais plutôt comme quelqu’un qui parvenait enfin à déposer sur le papier les questions accumulées en lui.
La chose la plus radicale que ce livre a faite en moi, c’est ceci :
Pour la première fois, au lieu de me regarder de l’extérieur comme un personnage, j’ai commencé à témoigner de mon intérieur depuis l’intérieur.
À ce moment-là, l’écriture a cessé d’être pour moi « l’art de forger des phrases qui impressionnent les gens ».
Elle n’était plus non plus « l’art de polir ce qui passe en moi avec des ornements conceptuels ».
Écrire a peu à peu commencé à signifier ceci :
La discipline de formuler des phrases dans lesquelles je ne me mens pas.
Après Les Lignes du Vide, quand je me suis assis pour les livres suivants, le stylo avait un autre poids dans ma main.
Désormais, chaque phrase était éprouvée par cette question silencieuse :
« Est-ce que tu le ressens vraiment ainsi, ou est-ce que tu l’écris seulement parce que ça sonne bien ? »
Cette question est devenue, en réalité, mon véritable manifeste d’écriture.
La distance entre moi et la foi : dieux d’enfance vs. questions d’adulte
Les Lignes du Vide n’est pas un livre écrit directement « sur la foi ».
Mais sous ses lignes se déroule un dialogue intérieur très profond avec la foi.
Pendant des années, j’ai porté cette séparation en moi :
Si tu crois, tu ne questionnes pas ; si tu doutes, tu ne crois plus.
L’idée que ces deux réalités puissent coexister dans un même cœur ne me venait même pas à l’esprit.
Dieu était soit tout, soit rien ; la question était soit trahison, soit obéissance.
Puis, un jour, en regardant mes propres crises intérieures, j’ai compris ceci :
Bien avant d’avoir « des difficultés à croire en Dieu », j’avais du mal à croire au sens de la vie.
La vacuité, la fatigue de l’homme moderne, la perception du temps, le moi, le masque, le silence…
Derrière tous ces thèmes, une question circulait en sourdine :
« Cette vie est-elle vraiment reliée à un centre, ou n’est-elle qu’une succession de moments jetés au hasard ? »
En écrivant Les Lignes du Vide, une partie de mes phrases toutes faites sur la foi m’a échappé des mains.
Je me suis avancé vers autre chose :
La foi ne ressemblait plus en moi à une suite de réponses toutes prêtes ; elle ressemblait à la corde que je continue de tenir après les questions.
Pas un dogme, mais une direction.
Pas une formule, mais une orientation.
J’ai commencé à voir le doute non comme un ennemi, mais comme un souffle.
Le mot « doute » était, pendant une grande partie de ma vie, un mot sale.
Comme un invité auquel il serait interdit d’entrer dans la chambre du cœur.
On le fait attendre à la porte, on le surveille du coin de l’œil, mais on le traite comme quelqu’un qui, s’il franchit le seuil, va dérégler tout le système.
Avec Les Lignes du Vide, cela a commencé à changer.
Car la plupart de mes phrases intérieures les plus sincères commençaient par une forme de doute :
« Et si j’avais mal compris ? »
« Et si ce qu’on m’a appris était incomplet ? »
« Et si tous ces concepts n’étaient que des murs que j’ai construits pour me sentir en sécurité ? »
J’ai porté ces questions en moi pendant des années, sans oser les prononcer à voix haute.
Parce que le doute était codé dans nos esprits comme une « chute de la foi ».
Puis j’ai compris que si ma foi pouvait être détruite par une seule question, cela signifiait qu’elle était déjà détruite depuis longtemps.
Je ne faisais que couvrir les décombres.
Faire la paix avec le doute ne signifiait pas nier Dieu ; cela signifiait renoncer à prendre pour Dieu mes propres déceptions, attentes et peurs.
La foi et le doute ne sont plus, dans mon cœur, deux ennemis en guerre ; ils se tiennent là comme deux hôtes lourds qui partagent la même cuisine.
L’un interroge, l’autre se tait.
L’un détruit, l’autre reconstruit.
Et moi, j’essaie d’apprendre à m’asseoir à cette table sans faire de bruit.
L’écriture est devenue la langue de la foi ; le doute, le pouls du texte.
L’une des plus grandes choses que j’ai comprises après Les Lignes du Vide est la suivante :
Je ne vivais plus ma foi seulement dans les phrases de la prière, mais aussi dans celles que je formais en écrivant.
Le chemin d’écriture est devenu une nouvelle forme de conversation avec la foi en moi.
La question « Est-ce que je pense juste ? » a cédé la place à « Est-ce que je pense cela honnêtement ? »
Le doute est devenu comme le battement de cœur de chaque texte que j’écris :
S’il n’y a aucune question dans un paragraphe, c’est qu’à un endroit je suis en train de me tromper moi-même.
C’est pourquoi mes textes philosophiques sont toujours à deux niveaux :
À la surface, des concepts ; en profondeur, une hésitation bien plus humaine.
Si tu es un lecteur compagnon de route, tu peux remarquer ceci en lisant mes textes à la suite :
La même voix circule dans des livres différents avec des visages différents.
Ici elle cherche la miséricorde, là elle interroge les temps modernes, ailleurs elle jette le « moi » au feu, plus loin elle explore la langue, les mots, le silence.
Ce qui est commun à tous, c’est que la foi et le doute essaient d’apprendre à marcher ensemble.
Je ne veux plus séparer ces deux-là.
La foi, sans questions, se fige.
Le doute, sans direction, se disperse.
Le texte respire dans l’espace entre les deux.
Les livres venus après Les Lignes du Vide : différents visages d’une même blessure.
Chaque livre venu ensuite – tous les textes où je parle de miséricorde, du moi, du langage, de l’homme moderne, de la vérité, des couches de l’ego et de ce qu’il reste de l’humain dans le bruit de notre époque – est en réalité un visage différent de la même blessure que dans Les Lignes du Vide.
Ce que j’appelais « le vide » dans ce premier livre a pris d’autres noms dans les livres suivants :
Manque de miséricorde, illusion du moi, usure du langage, âme emportée par la vitesse de la vie moderne, masques que nous croyons sacrés, prières laissées inachevées…
Mais la source est la même : la quête de sens de l’être humain.
À partir de là, le chemin d’écriture ne s’est plus réduit à écrire des livres.
À chaque livre, un autre rideau se levait en moi :
Dans l’un, apparaît la part de moi en conflit avec Dieu ; dans un autre, la part blessée par les humains ; dans un troisième, l’enfant en moi qui fuit la confrontation avec lui-même.
Les Lignes du Vide n’est donc pas seulement un « premier ouvrage » ; c’est un point de départ devenu la parente spirituelle des livres qui ont suivi.
Tu peux bien sûr passer aux autres livres sans avoir lu celui-ci.
Mais sache que chaque phrase que tu entends dans les livres suivants est reliée, par une de ses extrémités, à cette première fissure.
De l’extérieur, je peux te sembler un nom de domaine, un site, un projet.
Pour moi pourtant, c’est un espace intérieur qui existait avant les livres.
L’une des choses qui m’a traversé en écrivant Les Lignes du Vide était ceci :
Ces textes ne devraient pas rester seulement sur le papier ; ils devraient trouver un lieu où ils puissent se tenir aux côtés d’autres écrits, livres et langues nourris du même esprit.
Si je n’ai pas voulu abandonner mon chemin d’écriture uniquement aux rayons d’une maison d’édition, c’est en partie pour cela.
Mes œuvres ne sont pas seulement des livres ; elles sont la maison commune de tous les textes qui marchent entre foi et doute, entre l’homme et la vérité, entre parole et silence.
Chaque mot que j’ai écrit après Les Lignes du Vide me donne l’impression de le porter dans une autre pièce de cette maison.
Certains sont plus sombres, d’autres plus lumineux, d’autres encore plus peuplés...
Mais au centre de tous tourne la même question :
« En écrivant tout cela, qu’est-ce que je poursuis vraiment ? »
Je ne veux plus rien savoir à cent pour cent.
Cette phrase peut paraître effrayante au premier abord.
Pourtant, pour moi, elle exprime un grand soulagement.
Autrefois, je voulais que tout « trouve sa place ».
Des concepts bien définis, des croyances aux frontières nettes, une identité claire, des vérités indiscutables, des dossiers refermés…
Après Les Lignes du Vide, j’ai compris ceci :
Dans ce monde, je ne connaîtrai jamais rien à cent pour cent.
Mais cela ne signifie pas que je vivrai sans croire en quoi que ce soit.
Au contraire, je veux désormais mesurer ma foi non par le savoir, mais par l’orientation.
À chaque phrase, dans chaque livre, à chaque ligne je me pose la question :
Est-ce que cela me rapproche un peu de la vérité, ou bien suis-je seulement en train de raconter une histoire qui me fait me sentir en sécurité ?
Faire la paix avec le doute ne veut pas dire douter de tout, tout le temps.
C’est accepter que certaines choses restent au-delà de la portée de mon pouvoir de questionner.
Voir l’impuissance de mon cœur, connaître les limites de mon esprit, et malgré tout continuer à marcher.
La foi a pris en moi la forme suivante :
Une confiance silencieuse qui me pousse à continuer de marcher, même quand elle n’est pas ma seule lanterne.
Le doute, lui, est le contrôleur intérieur qui m’empêche, dans cette marche, de me transformer en idole.
Une voix qui dit : « Tu peux te tromper », mais ne dit pas : « Alors ne pars pas. »
Les Lignes du Vide n’est pas terminé ; il a seulement changé de place.
Ce texte ressemble à un morceau qui viendrait clore une série.
En moi pourtant, il signifie exactement le contraire :
Un seuil qui s’ouvre sur de nouveaux livres, de nouvelles questions, de nouvelles confrontations.
Les Lignes du Vide n’est pas pour moi un livre achevé.
Même si ses pages sont fermées, il continue de s’écrire en moi.
Car chaque fois que je me querelle avec la foi, que je me lasse du doute, que je suis sur le point de me trahir en écrivant, une phrase sort de ce livre et vient toucher mon épaule :
« La réalité se trouve au-delà des lignes, au cœur du silence ; et que tu sois écrivain ou non, tu dois rester fidèle à ce silence. »
Si tu as lu Les Lignes du Vide et que tu t’es arrêté quelque part en lui, sache ceci :
Les livres suivants ne sont que des marches différentes qui continuent à partir de l’endroit où tu t’es arrêté.
Miséricorde, moi, langue, vérité, temps modernes…
Ce sont autant de nouveaux cercles tracés autour du même vide.
Avec ce texte, je veux dire ceci :
Mon chemin d’écriture n’est rien d’autre qu’une longue route intérieure où j’essaie de faire la paix entre foi et doute.
Chaque texte qui s’élève de moi et arrive jusqu’à toi est une autre étape de ce voyage.
Et peut-être que la véritable espérance de tous ces livres est la suivante :
Qu’au cœur de ton propre voyage, tu trouves un silence où tu puisses te réconcilier avec ta propre foi, ton propre doute, tes propres mots.
Si c’est la seule chose qui passe de mon vide jusqu’à toi, alors chaque ligne que j’ai écrite aura atteint son but.


